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Abner Leroy (1799-1831)

Un intérieur, apprêts de chasse, 1829

etiquette philippe guegan vase.jpg

Huile sur toile, signée en bas à gauche Ab Leroy et daté 1829

Porte une étiquette n°377

Toile et châssis d’origine (non rentoilée) : 57 x 50 cm

Dans son cadre en bois doré : 72 x 64 cm



Un intérieur, Apprêts de chasse fut présenté à l’exposition de Douai de 1829 sous le numéro 334. 

Dans une cuisine baignée d’une lumière douce, deux hommes s’affairent aux derniers préparatifs d’un départ à la chasse. Fusil à l’épaule et gibecière en bandoulière le premier s’apprête à quitter la maison, accompagné de son chien d’arrêt, une chienne braque française, qui manifeste les signes d’une grande excitation, tandis que le deuxième, debout à l’arrière-plan devant une fenêtre, achève de remplir de vin, une flasque gainée d’osier.


Abner Leroy, parfois dit « Leroy de Falvy [1] », nait le 12 nivôse an 7 (1er janvier 1799) à Falvy, département de la Somme, dans une famille de la bourgeoisie picarde. Son père Louis Leroy (1752-1815), notaire royal à Falvy et Athies sous l’Ancien Régime, conseiller au Présidial d’Artois, est maire de la commune. Benjamin de sa fratrie, il a trois frères, qui comme leur père, embrasseront une carrière de juriste. L’ainé Louis Amand Leroy de Falvy (1786-1855) comme président de chambre à la cour royale de Douai sous la Restauration, puis président de la cour impériale sous le Second Empire, le cadet Victor Aimé Leroy (1787-1876) succède à son père comme notaire à Athies, et le troisième Sigismond Leroy comme avoué à Douai.

Également établi à Douai, Abner Leroy habite une maison de la rue des Procureurs [2], située près de l’Hôtel de Ville et de son beffroi, et se consacre à la peinture. Il participe durant sa courte carrière à plusieurs expositions, organisées dans les villes du Nord, région particulièrement active par rapport au reste du pays, depuis la Restauration, dans l’organisation de salons ; avec des manifestations capables non seulement d’attirer les artistes locaux, mais également des peintres d’envergure internationale comme Géricault, Delacroix, Constable et Navez. À partir de 1817 se tient tous les deux ans au mois de juillet à Douai une exposition de peintures, dessins et sculptures, organisée dans les salons de l’Hôtel de Ville, qui sera étendue aux produits de l’Industrie, dès 1825. En Alternance à lieu également tous les deux ans une exposition organisée dans le courant du mois d’aout par la ville de Cambrai. Abner Leroy participe à ces expositions par des envois réguliers, pendant 10 ans, entre 1821 et 1831. Il est distingué par une médaille d’argent à Douai en 1827 [3] et meurt prématurément, à l’âge de 32 ans, le 6 juillet 1831 [4].


Abner Leroy, qui fut peintre de portraits et paysages, semble s’être spécialisé dans la peinture de genre, et plus particulièrement dans la représentation de scènes d’intérieur [5] inspirées de la peinture hollandaise, et de ses prédécesseurs, les peintres Van Mieris, Gerrit Dou, Ter Borch et Metsu, si appréciés en ce début du XIXe siècle. Le faire précis et les jeux francs de lumière de son œuvre placent cet artiste dans la tradition nordique, de ceux que l’on nomme les peintres de la réalité. Cette réalité familière décrite par Leroy, le soin qu’il apporte aux détails et aux effets de lumière ont également de nombreuses similitudes avec la peinture de Martin Drolling (1752-1817), Intérieur d’une cuisine [6], 1815, présenté à Paris, quelques mois après la mort de l’artiste, au Salon de 1817, où il fut acquis par le roi Louis XVIII. Abner Leroy appartient à la même génération que la fille de Drolling, la peintre Louise-Adéone Drölling (1797-1834), il est également proche dans son art du peintre Pierre Duval Le Camus (1790-1854), natif de Normandie ou du Lyonnais Anthelme Trimolet (1798-1866), qui tous composèrent des scènes de genre similaires [7].


Le titre double, choisi par le peintre Un intérieur, Apprêts de chasse, souligne la dualité du sujet. C’est à la fois la description d’un intérieur et la représentation des préparatifs d’un départ à la chasse.

Grace à cette description minutieuse d’une cuisine du Nord de la France à la fin des années 1820, il nous est permis de visiter, comme si nous y étions, cette pièce centrale des maisons française. Avec son potager pour réchauffer les aliments situés sous une fenêtre pour l’évacuation des fumées, son poêle en fonte allumé à toute heure du jour, rougit par la chaleur et couronné d’une immense bouilloire en cuivre, qui fournit l’eau chaude sanitaire, mais également pour la cuisine et les boissons. Le peintre apporte une attention minutieuse à la description des nombreux ustensiles et accessoires et au rendu soigneux des textures et des matières. Murs aux enduits jaunes, sol pavé de tomettes en terre cuite, jarre luisante en terre cuite émaillée. Au-dessus de la cheminée sur une étagère différents instruments d’éclairage : une fiole d’huile, une lampe a quinquet en tôle peinte, caractéristique des objets manufacturés du début du XIXe siècle, une mouchette en argent sur son plateau, un bol une cruche et deux citrons composent une petite nature morte. Sur le potager situé à gauche devant la fenêtre s’entassent différentes pièces de vaisselle, bouteilles et carafe. Quelques deux cents ans plus tard c’est un merveilleux document sur l’art d’habiter et l’architecture d’intérieure chère à Jean Feray [8], qui documente dans ses moindres détails l’aménagement de cette pièce de service, dans une maison bourgeoise du début du XIXe siècle.

C’est dans ce décor trivial et familier que sont saisis ces derniers apprêts de chasse. Valet qui achève de remplir une flasque, chien prêt à bondir à la suite de son maitre, qui, dans un ultime mouvement s’empare d’une poire à poudre suspendue au mur. L’habillement du chasseur est celui de la chasse en plaine, pour le petit gibier à poil et à plumes. Veste en drap de laine vert, culotte en toile forte, guêtre en cuir pour se protéger des ronces, chapeau rond à larges bords pour se protéger de la pluie ou de l’éclat du soleil. L’homme pratique aussi la chasse au gibier d’eau, comme l’indiquent le pantalon-bottes en cuir jonché au sol sur la droite et la paire de canardières que l’on devine, suspendues dans un étui, à la poutre maitresse du plafond.


Abner Leroy marque une attention particulière au rendu des effets de lumière. Parmi ses envois à l’exposition de Douai de 1827 on note deux tableaux intitulés « Un intérieur effet de lampe » et à l’exposition de Cambrai de 1828 « Intérieur du Cabinet de Monsieur L* avocat à Douai [9], effet de lampe ». Dans notre tableau ce n’est pas une lumière artificielle mais la lumière du jour, qui éclaire la pièce depuis la haute fenêtre à gauche du tableau, Abner Leroy joue des effets de clair-obscur, module des ombres qui soulignent le volume des objets représentés et animent les silhouettes de ses personnages. Il multiplie les reflets à la surface des objets : transparence du verre, lustre des céramiques, éclat du métal, luisance du chapeau.


Cette représentation d’une scène domestique de la vie moderne, est une œuvre parfaitement préservée - dans son cadre et sur sa toile d’origine - dans laquelle Leroy perpétue avec bonheur cette veine de la peinture de genre, inspirée par l’art du siècle d’or hollandais, dans la lignée des Drolling, Boilly et Van Gorp. Son goût pour le détail et le pittoresque, sa peinture léchée sans être mécanique, une attention subtile portée aux diverses attitudes des figurants font de cet artiste méconnu l’égal des meilleurs représentants de ce type de peinture, qui, dans les années 1820, tentent d’atteindre « l’incroyable finesse » de Mieris et de Gerrit Dou, afin d’assouvir le goût prononcé de leurs contemporains pour le fini et le porcelainé.




notes 

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[1] Cette forme patronymique sera utilisée par la descendance de son frère aîné Louis-Armand (1786-1855)

[2] Actuelle rue des Procureurs

[3] Notice sur l’exposition des produits de l’Industrie et des Arts qui a eu lieu à Douai en 1827, p. 110

[4] Son acte de décès, État Civil, Archives du Nord, Douai, 1831

[5] Guyot de Fère, Statistiques des Beaux-Arts en France, Annuaire des artistes français, Paris 1835, p. 286

[6] Musée du Louvre, INV 4097 ; L 3569

[7] Louise Adeone Drolling, Intérieur avec une femme calquant une fleur, 1827, Saint Louis Art Museum, Pierre Duval Le Camus : Deux vétérans jouant au piquet, 1819, Detroit Institute of Arts, La leçon de dessin, 1826, The Clark Art Institute, Williamstown ; Anthelme Trimolet, Le laboratoire du professeur Ennemond Eynard, 1819, Musée des Beaux-Arts de Lyon.

[8] Jean Feray, Architecture intérieure et décoration en France des origines à 1875, Berger Levrault, 1997

[9] Il s’agit probablement de son frère Louis Amand Leroy, avocat auprès de la cour Royale de Douai entre 1819 et 1828

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